Æternum Vale
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Blasphème - Chevalière de l'Adieu.

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Blasphème - Chevalière de l'Adieu. Empty Blasphème - Chevalière de l'Adieu.

Message par Blasphème Mar 18 Oct - 19:22

Chapitre I - Quand Millenium était fréquentable, entretien avec Blasphème, de la naine à la femme serpent.




Blasphème sourit. Elle qui pensait avoir dégoté un noble plein de principes, voilà qu'elle avait fait fausse route. Sans un mot elle se leva et vint s'installer sur le lit, à côté de Millénium, tout en laissant l’arrête de poisson immonde traîner sur la table.

-Je manque encore de discernement, il faut croire que tu n'es pas celui que je pensais.

La femme serpent ferma les yeux quelques secondes. C'était son tour maintenant... C'était moins glorieux mais peu importait. Elle allait tout révéler, sans mensonge, sans rajout, sans rien enjoliver... La vérité et les faits se suffisaient à eux même.

-J'ai donc 226 ans. Je suis née quelque part, mais j'ai grandit dans un de ces orphelinats que l'on trouve au coin des ruelles. De mes parents, nul souvenir mais de la gouvernante qui m'a élevée avec mes camarades j'en possède plein. C'était une femme aimante, juste et sévère sans outre mesure. Je n'ai jamais eu à m'en plaindre, bien au contraire. A l'époque, j'étais une jeune fille normale, seuls mes cheveux rouges et une taille anormalement petite me démarquaient des autres et firent deviner à la gouvernante que je possédais quelques pouvoirs. Quand tous mes camarades furent en âge de sortir de l'orphelinat, je fus farouchement gardée. N'ayant jamais connu le monde extérieur je m'étais accoutumée à ma prison et je m'efforçais d'y faire le bonheur de chacun.

Un sourire énigmatique éclaira quelques secondes les lèvres de Blasphème. Il lui semblait que cette époque révolue faisait partie d'une autre existence... Et pourtant...

-Durant plus d'un siècle j'ai enseigné les arts magiques aux orphelins qui avaient un don. Je ne savais alors que transmettre ce qui était considéré comme "bien", d'ailleurs la mort m'était bien étrangère... Jusqu'à cette nuit du 18 brumaire... Cette nuit sans lune que je n'oublierai jamais.

L'aquamancienne leva sa main et fit apparaître dans la chambre un nuage de vapeur d'eau qui forma bientôt une armée vaporeuse:

-Cet orphelinat était sous le commandement du roi Galoregor. Jusqu'alors, je n'avais jamais entendu parler de son existence ni de la guerre faisant rage sur les terres d'Alidhan. Nous étions comme dans un cocon, ignares et béats et seule l'éducation des orphelins nous importait. La guerre cependant nous rappela à elle sous forme de deux troupes qui tuèrent tour à tour tout ce qui était sur leurs passages... La première était bleue, la seconde était verte. En deux nuits, il ne resta plus rien, sauf moi que la grâce du ciel avait épargnée... Mais défigurée.

Le charnier immonde qui s'était alors formé sous ses pieds revint dans sa mémoire comme un douloureux soufflet. Blasphème serra les dents avant de continuer:

-J'ai survécu plusieurs années à mendier, cacher mon visage et glaner ci et là quelques informations sur la guerre faisant rage. Mon ignorance m'avait valu bien des moqueries tandis que mon visage lacéré mêlé à mon nanisme effrayait chaque passant. Dans ces conditions, je me suis demandé alors pourquoi les dieux m'avaient laissé la vie et c'est quand je pensais que tout était sans espoir que la providence sembla à nouveau me sourire.

Le nuage retomba et la pièce reprit son apparence originelle. Blasphème, les yeux plus incandescents que jamais continua alors son récit:


-Une troupe de forains me prit sous son aile... Ou plus exactement m'enleva au détour d'une route. Ils m'affublèrent d'un masque au long nez et me nommèrent Blasphème, la femme aux deux visages. Ma laideur leur fit gagner quelques grasses intentions et loin de demander ma part je me contentais alors de mon repas du soir. La richesse n'avait à mes yeux aucun attrait, qu'aurais-je alors fait d'une bonne fortune ? Rien... Avant de penser au futur, il fallait d'abord que je me reconstruise... Et lors d'une représentation je fis la rencontre de Keyôbura, le baron d'une guilde combattante qui m'acheta pour une bonne somme aux forains.

Un brin nostalgique, la femme serpent continua:

-C'est lui qui m'a enseigné l'art du combat, qui m'a offert mes premiers équipements, qui m'a donné les meilleurs conseils. Il voyait en moi autre chose que la naine défigurée et nourrissait dans mes pouvoirs un espoir incompréhensible. A ses côtés, j'appris l'honneur, la bravoure et surtout la fidélité au Roi. En ce temps, rien ni personne n'aurait pu détourner mon regard des royalistes et je me serai battue jusqu'à la mort pour lui restituer son trône... Pour lui, nous avions raflé des tas de forteresses à Merulik, attachant son étendard écarlate aux yeux de tous. Naturellement, je ne te cache pas que Keyôbura devint mon amant. J'espérais que le conte se finisse bien, avec un "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants"... Vous voyez ? Je pensais qu'enfin j'avais moi aussi le droit au bonheur... Que nenni.

Nerveusement, Blasphème se mit à rire, laissant un instant sa gorge écaillée déployée, se moquant elle-même de sa propre situation.

-Petit à petit, la guilde des Sanguis Royalists se disloqua. Les gens partaient de toutes parts et je fus l'une des dernières résistantes d'une époque déjà révolue. Keyôbura, puissant magicien, se transforma en femme avant de s'éloigner toujours plus profondément dans les ténèbres. Une fois de plus, je me retrouvais abandonnée et mes espoirs s'amenuisaient. J'avais bien un ami, Rand, mais lorsque je voulus rejoindre les siens je trouvais portes closes. Résignée, je pensais que personne ne voudrait plus de la naine défigurée que j'étais alors. Peu de temps après, j'appris la mort de Keyôbura et je m'apprêtais à le rejoindre... Quand le chemin décida une fois de plus de reculer l'heure de ma mort.

Un sourire, un hochement de tête et Blasphème s'allongea à côté de Millenium.

-Par hasard, j'ai croisé la troupe de Jilano: les Aeternum Vale. Ce qui était appréciable, c'est que tous ou presque connaissaient une tare physique... Mon intégrations fut cependant difficile, les Sanguis Royalists m'avaient laissé des séquelles et je dus petit à petit abandonner les valeurs qu'ils m'avaient inculquées. J'ai alors commencé à voler, à boire plus que de raison et à chercher des noises à tout va. Les gens de raison diront que la folie m'a alors gagnée mais en vérité, c'est la liberté qui m'a emportée. Petit à petit, je découvris chez les royalistes un climat étouffant, oppressant et je me rendis vite compte que les troupes royales étaient menées par une minorité qui était loin d'être la meilleure. Je n'avais aucune envie de suivre les directives d'une oligarchie mal organisée qui ne savait qu'imposer leur loi ridicule à chacun. J'accepte de suivre le rang et le mouvement, mais n'étant pas un mouton dénué de sens je ne comptais pas me laisser faire. Je ne participais donc plus à aucune forteresse et passais mon temps à faire les poches, à tout le monde, même aux miens.

Un large sourire se dessina sur les lèvres de l'aquamancienne. Quelques missives de menace lui revenaient en tête, plus amusantes les unes que les autres.


-Les Aeternum Vale semblaient aussi las de cette ambiance particulièrement désagréable et après plusieurs hésitations, nous avons tous décidé de quitter le fanion écarlate pour rejoindre le cramoisi. Bien entendu, tout ceci ne se fit pas sans hurlements, sans accusations de traîtrise et j'en passe... Comme si le refus d'asservissement était une trahison... En même temps, on peut aisément comprendre la colère des petits chefs sans autorité, perdre la guilde de Jilano n'était pas peu de chose !

Elle se souvenait, Blasphème, des surnoms ridicules que certains portaient. Elle qui avait d'abord cru que les royalistes étaient un alignement sérieux, elle avait laissé derrière elle une majorité de guignols... Et la Alth, seul rubis que comptait encore la couronne. L'aquamancienne espérait qu'ils ne changent pas.

-Depuis que je suis de l'Aeternum Vale, Mio s'occupe de moi. Ce n'est pas un homme bien, c'est un voleur, un assassin et un spécialiste des piques bien assénées. Je suis persuadée que je pourrais trouver mieux pour accompagner mes jours du moment... Surtout qu'il m'a acceptée naine et défigurée tout comme il accepte ma nouvelle condition. Mais je sais, cela t'intrigue, tu veux savoir comment je suis devenus une femme serpent hein ? Hé bien... c'est tout simple.

Ah, il se faisait tard, son histoire était longue, mais l'homme avait voulu savoir... Alors il était servi.

-Dans la guilde, je suis conteuse d'histoires. J'en ai de tous les styles même si j'ai un penchant particulier pour la grivoiserie. Cela me valut un rang de chevalier, tombé de nul part... Et je dois bien avouer que ça a redonné un sens à ma triste vie. Quand j'eus assez de puissance, les dieux me permirent d'affiner mes savoirs et de devenir aquamancienne. Ils m'ont en même temps affublés d'un nouveau corps que voilà... Qui est beau magicien est bel aquamancien... Mais qui n'est pas beau à la base ne le devient pas après. Vile et perfide, le serpent me fut attribué, malheureusement je ne suis pas encore bien venimeuse... j'espérais que tu aurais pu m'y aider.

Blasphème resta silencieuse quelques instants.

-Ma guilde habite les terres enneigées, au Nord. Je suis obligée de redescendre fréquemment, étant de sang froid. Mon second domicile est ici, bien que ma chambre change. Ici, j'y fais tout: de l'artisanat et des recherches... Voilà. Tu sais tout maintenant.

La femme serpent se releva, s'étira et jeta un oeil sur son invité, espérant ne pas l'avoir endormi avec son assommant récit.


Dernière édition par Blasphème le Mar 18 Oct - 19:38, édité 1 fois
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Message par Blasphème Mar 18 Oct - 19:33

Chapitre II- La mort de la Femme Serpent, retour à l'état de naine. Du Tonneau des Rémanences.


Il lui filait entre ses doigts, mystique et vaporeux, laissant derrière lui une âme désœuvrée. Chaque jour, il s'éloignait davantage, chaque jour le silence le noyait toujours plus loin dans ses méandres inquiétants et chaque jour l'inquiétude grandissait dans le cœur de Blasphème. Mio n'était plus le même depuis bien des lunes et elle cachait son angoisse derrière son masque, esquissant par dessous un sourire de circonstance qui se voulait à la fois doux et rassurant. La petite femme qu'elle était se fichait bien de sa fortune, de son apparence ou de l'avis des autres à son égard... Cependant elle attachait plus d'importance qu'il ne le faudrait à sa seule faiblesse: Lui. L'accord avait pourtant été simple, pas d'attachement, pas d'amour, pas de fidélité mais le constat était différent. Elle l'aimait vraiment.

Perdue au milieux de quelques brigands inconnus et adeptes de bagarre, la balafrée ne trouvait pas sa place. Ses journées n'étaient guère plaisantes, elle qui aimait l'ombre et le calme était contrainte de vivre cachée au milieu d'un incessant capharnaüm: il n'y avait pas d'autre solution pour échapper aux cris et coups de ses camarades qui n'en étaient pas. Si elle supportait cette vie, c'était parce-que Mio en faisait partie, mais aussi parce-qu'elle avait trouvé au cœur même de Cyrosh une cathédrale qui lui rendait le calme et l'asile dont elle avait tant besoin. Ne vous méprenez pas, il ne s'agissait pas là ni de croyance, ni de superstition. Blasphème ne croyait plus en rien depuis fort longtemps, même plus en elle d'ailleurs. Le cardinal Borgia, maître des offices, ne s'offusquait pas de sa présence, il s'y était habitué par la force des choses même si la petite femme n'avait pas encore rempli leur accord. Elle avait beau être brigande, elle n'avait jamais ni souillé, ni profané les lieux et il y avait fort à parier pour qu'elle ne laisse personne commettre un tel sacrilège. Le calme des lieux était son sanctuaire, le dernier qu'elle jugeait encore supportable.

Une nuit, tandis qu'elle s'était endormie dans le confessionnal, une voix inconnue murmura à son oreille. Blasphème ouvrit les yeux, tentant de comprendre le charabia bourdonnant dans ses tympans. Elle sortit du confessionnal et marcha sur les dalles fraîches, cherchant en vain une présence. La voix se fit de plus en plus claire, de plus en plus inquiétante... Jusqu'à-ce que le sens des mots se transformèrent en spasmes d'angoisse. La petite femme resta interdite plusieurs minutes, refusant d'abord de croire la triste vérité qu'une entité mystérieuse lui chuchottait:

"L'inévitable est arrivé,
Ce soir il s'est sauvé
Mio ne sera plus ton aimé
Pour toujours il s'en est allé."

Sa petite main se tendit vers un vitrail et de son masque de peste une larme coula. Son corps se déroba sous le chagrin pour devenir un serpent, long et sinueux. Dans la cathédrale mystique, Blasphème devenait l’incarnation d'un mal Satanique dont elle ignorait la croyance. Elle avait oublié ce qu'était le chagrin, elle avait même oublié ce qu'était le sentiment ou l'humanité. Ce soir, pour quelques mots qu'elle avait sans doute rêvé tout s'était éveillé en elle. Son esprit suffoquait, submergé par les émotions quand dans ses tempes son cœur battait
Depuis combien de temps son corps ne s'était plus transformé ? Des mois, des années ? Elle ne saurait le dire mais si elle devait épuiser son pouvoir et son énergie à retrouver Mio alors qu'il en soit ainsi. L'animal qu'elle était pisterait celui qu'elle aimait, qu'importe ce que cela impliquerai.

Rampant, la langue frétillant en-dehors de sa gueule, Blasphème cherchait à capter chaque odeur, chaque trace ou chaque vibration qui la mettrait sur la route de Mio. Dans son esprit, des sentiments contradictoires se croisaient. Pourquoi le suivrait-elle, finalement, s'il avait fui ? Peut-être voulait-il seulement qu'on le laisse en paix, sans doute détesterait-il de savoir qu'elle le suivait et si elle le retrouvait que lui dirait-elle ? Rien... Elle ne lui dirait rien, elle finirait son existence à muer année après année et à veiller sur lui à distance, rampant sans cesse comme elle l'avait toujours fait... Si son corps incertain le permettait. Sa puissance était fanée, la beauté qu'elle avait pu se créer s'en était allée, étais-ce cela qui repoussait son amant ? Et si finalement il accordait plus d'importance aux apparences que ce qu'il l'avait toujours prétendu ? Et si demain elle n'avait plus assez d'énergie pour garder son corps de reptile ? Et si cela le ferait fuir à nouveau ? Et si ? Et si.... Et si. L'incertitude la gagna soudain, au moment où elle avait retrouvé sa trace au détour d'un sentier. Il était passé par là... Avant de s'enfoncer dans les ronces...

Le serpent ouvrit grand sa gueule, laissant un sifflement de rage s'en échapper. Tant bien que mal, l'animal se faufila entre les épines, blessant à plusieurs endroits son corps fragile. La vipère souffrait, la vipère rageait mais la vipère n'abandonnerai pas. Au milieu de ses écailles brunes des perles de sang scintillaient, reflétant les rayons que le soleil cédait à la terre. Blasphème croisa des tombes, flaira avec sa langue fourchue la plupart de ces dernières mais ne lut aucun nom. Tant que la trace de Mio subsistait, il ne pouvait décemment pas occuper l'une d'elles. Petit à petit, elle s'enfonçait dans des marais qui lui étaient jusque là inconnus, laissant les drus fourrés la tenailler plus encore tandis que la lune prenait sa place dans le ciel.

Derrière lui, le serpent laissait un sillon sanguinolent mais il ne cessait pas de ramper. Il s'approchait, il le sentait, il le savait et rien ne pourrait arrêter sa course tant qu'il n'avait pas atteint son but. De sa gueule jusqu'au bout de sa queue, la vipère avait des tressaillements de douleur. Peu lui importait alors de savoir comment elle se sortirait de cette aventure, l'important était de continuer... Et de voir qu'il allait bien.

Sa quête la mena au bord d'un lac, un lac d'huile qu'aucun remous ne dérangeait. La trace s'arrêtait là, Blasphème n'avait pas le pouvoir d'en savoir davantage. Découragée, elle laissa sa tête pointue s'effondrer sur la berge. A cet instant précis, elle se rendit compte de la gravité de son état. Les ronces avaient lacéré sa peau, laissant paraître ses boyaux de parts et d'autres de ses écailles. Sa vie finirait donc ainsi ? Voilà donc le dénouement de sa misérable existence ? Crever au bord d'une berge, enfermée dans un animal à cause de l'abandon de trop ? Pourquoi devait-elle toujours s'accrocher à quelqu'un ou quelque chose tout en sachant que de toute façon on la laissait toujours derrière à un moment donné ? La vie lui avait plusieurs fois fait leçon à ce sujet, il n'avait tenu qu'à elle de les retenir... Ou pas.

Enroulé sur lui-même, l'animal agonisait, émettait des sifflements de plus en plus irréguliers... Avant le grand et dernier soupir.
Le serpent n'était plus, Blasphème avait perdu l'une de ses entités.

En boule sur elle-même, la naine avait reprit sa forme originelle. La tristesse avait fait place à l'incompréhension et la colère. Elle aussi pouvait être dangereuse mais au contraire de Mio elle n'avait que faire du mal qu'elle pouvait infliger. Elle se leva, épousseta ses habits et prit le parti de faire demi-tour quand une souche au beau milieu de l'étendue d'eau attira son regard. Elle plissa ses yeux émeraudes, piquée par la curiosité... Mais qu'étais-ce donc que cela, rêvait-elle ? Étais-ce ? Étais-ce...


-Un tonneau ?!

La petite femme haussa les épaules avant d'apercevoir les traces de sang qu'elle avait laissé sur le sol avant de voir une partie d'elle-même disparaître. Certes, elle s'était enfuie une fois pour faire la tournée des auberges mais à ce qu'elle sache, sa disparition n'avait laissé aucune séquelle et personne n'était partie la chercher. De toute façon, elle n'avait pas fait tout ce chemin pour ne pas exploiter la dernière piste se trouvant devant elle. Derrière le masque, les orbes se fermèrent et Blasphème tendit ses bras vers les flots. De ses mains une brise gelée s'éleva et vint se déposer sur l'eau. Le cardinal Borgia lui avait une fois parlé d'un homme mythique capable de marcher sur l'eau, elle n'était pas plus mythique qu'un autre mais elle savait elle aussi accomplir cette prouesse. Les catholiques étaient des gens bien étranges, mais s'il leur plaisait de vouer un culte sans fin aux aquamanciens pourquoi pas, d'après tout ?

Au fur et à mesure que la glace durcissait la surface de l'eau, Blasphème passait, se rapprochant de plus en plus du mystérieux tonneau qui semblait bien plus gros que prévu. Quand elle fut à sa hauteur, elle remarqua qu'elle pouvait aisément entrer dedans, en fait tout le monde le pourrait... Il était gigantesque et en son sein il lui sembla percevoir de la vie. La petite femme se mit contre le bois, plaquant ses mains contre ce dernier et se mit à écouter, longtemps... longtemps... longtemps... Était-il là ? Elle entendait le bruit des boissons dans les chopes, des bruits de pas légers, de rares allers-retours... Mais aucune voix, un silence quasi mortifère. Pour peu, Blasphème se croirait en train d'épier un monastère.

Enfin, elle se décida et entra. Humaine, elle était incapable de trouver la trace de son amant mais elle savait que s'il se trouvait là alors elle le trouverai. Un guerrier la regardait, elle feignait de l'ignorer et levait machinalement la tête... C'est là qu'elle le vit, reposant dans un hamac comme si de rien n'était. Sa main, appelée par le vide, pendait lamentablement. Sa respiration régulière prouvait qu'il dormait profondément et la petite femme monta à son tour l'échelle pour se placer dans le hamac voisin.

Jusqu'à son réveil, elle resterait là à le regarder, sachant que jusqu'à sa mort elle le suivrait... Jamais pour le meilleur, mais toujours pour le pire.
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Message par Blasphème Mar 18 Oct - 19:37

Chapitre III - Agitation dans la Solitude, du Mirage muselé.



Un verre, deux verres, trois, quatre... Cent ? On les retourne, on les vide, on en brise par inadvertance, on les remplit à nouveau puis on les vomit avant de les pleurer. Il n'y a pas de plus grand désarroi que la solitude, elle laisse un vide dans nos entrailles et il n'y a que la foutue vinasse pour la combler temporairement. Enfermée dans une taverne de Sombrios, Blasphème sait déjà qu'elle ne rentrera pas au Tonneau, elle sait que seuls les rats et sa folie l'y attendent et qu'elle ne veut pas les retrouver.

Des tables alentours, elle sent le poids des regards amusés dans sa direction. Il n'est pas rare de croiser des personnes difformes, galeuses ou estropiées dans le coin, mais les nains se font plus rares. Peut-être étais-ce ça, la solution... Peut-être devait-elle intégrer l'une de ces caravanes mobiles et apprendre quelques cabrioles, les cours les plus dignes étaient parait-il friands de monstres savants, persuadés que les nains n'étaient que des animaux facilement apprivoisables. De toute façon, elle ne pouvait plus continuer comme elle le faisait, elle devait songer à son avenir et y faire face, qu'il soit fait d'espoir ou de désillusions.

Les bouteilles étaient vidées, Blasphème laissa un gras pourboire au tavernier et regagna les rues sales et malodorantes de la capitale brigande. Chaque ruelle était un coupe gorge, dans certaines d'entre elles se cachaient des ombres peu recommandables. Dernièrement, un écorcheur terrorisait les druides s'aventurant félinement dans la ville: il n'était pas rare au petit matin de voir un chat débarrassé de sa peau, jeté au hasard des pavés. Sombrios était vraiment une ville repoussante, sale, puante, peuplée de monstres en tous genres qui ne pensaient qu'à voler et faire couler le sang. L'hiver approchait à grands pas, le froid se faisait déjà sentir et d'insupportables souvenirs remontaient à la surface. La petite femme serra ses dents pointues, elle s'apprêtait à passer la nuit sous un porche quand une voix sifflante traversa ses tympans avec douceur:


-Fabulez, ivrognez, trépassez...

La petite femme se retourna, serra sa trop longue toge et ne vit personne. Sous cape, elle maugréa quelques imperceptibles jurons avant de continuer sa route, pensant que son esprit lui jouait des tours quand à nouveau le chuchotis retentit:

-Fabulez, ivrognez, trépassez...

Rapidement, Blasphème fit volte-face:

-Huh ?

Ses yeux émeraudes étaient grands ouverts, cherchant à percer l'épaisse pénombre. Le vent était-il capable de tels mirages ? Peut-être d'après tout. La naine haussa les épaules quand soudain...

-Fabulez, ivrognez, trépassez... Fabulez, ivrognez, trépassez... Fabulez, ivrognez, trépassez...

Quelqu'un -ou quelque chose- se déplaçant à une vitesse folle semblait l'avoir choisie comme proie. Blasphème se laissa tomber à genoux au sol, protégeant son masque de sa main pour ne pas le laisser choir. Qu'étais-ce donc que ça ? Un humain croisé avec une tornade ? La petite femme avait croisé tant et tant de bizarreries ces derniers temps que peu de choses l'étonneraient. Combien de fois s'était-elle vue mourir ? Des tas et des tas de fois et quand le danger était à son paroxysme elle n'avait jamais eu peur, persuadée que la Fin était la plus délicate des douceurs. L'agitation retomba aussi vite qu'elle était arrivée et Blasphème releva la tête, étourdie encore par la folle valse. Des pas se firent entendre en face d'elle, ils se rapprochèrent de plus en plus et bientôt sortit de l'ombre une figure inconnue. Un enfant, de deux ans tout au plus, se tenait debout devant elle. Le crâne dégarni, des yeux d'un bleu surnaturel, un air grave... Il n'avait rien de juvénile, d'enfantin ni même d'humain. Il tendit sa petite main en direction de la naine, lui faisant signe de se relever.

_________________________
"Au dernier hiver de ma vie, puisse-t-il y en avoir d'autres.

L'esprit a un visage, il a une âme et une enveloppe charnelle, l'esprit est un enfant, l'esprit est le Fabuliste.

Pour lui, j'ai tué un homme dans son sommeil, pour lui j'ai dérobé une mansarde à Sombrios, pour lui je saurais rassembler les bien pensants des terres d'Alidhan. La vraie richesse n'est pas le luxe ou l'or, il veut posséder les fabulations de tous, il veut saisir dans ses mains les perles d'âme, les fragments de vos idées et s'en faire un collier de pensées. Laissez-moi vous conduire à lui, laissez le Fabuliste entrer en vous et dévorer votre imagination.

Il est le Silence dans la tourmente,
Il est la Lueur dans les ténèbres,
Il est l'Etincelle dans l'ignorance.

Laissez-le vous nourrir d'ivresse, laissez-le défaire le muselet et délectez-vous de son breuvage. Il n'est nul besoin de lui appartenir pour le rencontrer, il n'est nul besoin de rejoindre la mansarde pour bénéficier de sa reconnaissance.
Ouvrez-lui juste son esprit pour que le rêve continue.

~B~"

Blasphème laissa tomber sa plume de cormoran sur le parquet défraichi. Sa tête pencha en arrière et ses grands orbes verts scrutèrent le plafond. Le temps de ne plus croire en rien était révolu, le Fabuliste lui avait ouvert les yeux: si ses pouvoirs n'étaient plus c'est qu'elle avait fermé son esprit depuis bien longtemps. Aujourd'hui, elle avait pris conscience, demain elle gèlerait le monde.
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